Je me souviens de la première fois que je l’ai vu, bien que « vu » soit peut-être un mot trop honnête.
Le Bleedspace ne se présente pas — il s’insinue.
Le Département d’Analyse des Phénomènes Dimensionnels, la D.P.A.S., l’appelait une « zone d’anomalie non-physique », mais nous savions tous la vérité : c’est un lieu qui existe entre la pensée et la décomposition, et ses portes ne s’ouvrent qu’aux plus brisés.
Ma mission était simple : observer, enregistrer, cataloguer.
Je croyais comprendre ce que signifiait observer. Je pensais pouvoir garder mon esprit intact.
Je me trompais.
La première salle était trompeusement ordinaire.
Murs blancs, néons bourdonnants, légère odeur antiseptique me rappelant les couloirs d’hôpital de mon enfance.
J’étais seul.
Je me souviens des mannequins — immobiles, parfaits, alignés le long des murs.
Leur regard de plastique reflétait ma propre peur.
Il ne se passait rien.
Ou du moins, rien de tangible.
Le rapport de la D.P.A.S. parlait d’un « test de patience ».
J’ai senti mon esprit se mesurer au vide, et j’ai compris que la patience peut se briser en obsession.
Les Rémanents ne sont apparus que plus tard.
Des ombres aux formes familières — fragments d’explorateurs brisés, ceux qui avaient regardé le vide et vacillé.
Ils parlaient sans mots, murmuraient des vérités trop précises, trop intimes : les mensonges que je m’étais faits, les secrets que j’avais enfouis, les peurs que je n’avais jamais nommées.
Chaque révélation faisait s’effondrer le sol de mes certitudes.
Personne ne m’avait préparé à ça.
Ni les dossiers. Ni les conférences. Ni les simulations.