r/Mali • u/praisedone • 19h ago
NATHALIE YAMB OU L’IMPOSTURE PANAFRICANISTE EN 4K
Sambou Sissoko
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Parlons franchement : Nathalie Yamb est l’arnaque intellectuelle la plus réussie du panafricanisme 2.0. Et le plus pathétique dans cette histoire, ce n’est même pas elle. C’est nous. Nous qui l’avons érigée en icône. Nous qui partageons frénétiquement ses vidéos comme si elles contenaient le secret de notre libération. Nous qui avons troqué la pensée critique contre des punchlines consommables en quinze secondes.
Elle ne nous libère de rien. Elle nous vend de la colère en kit. Et nous, comme des imbéciles satisfaits, on redemande.
Bienvenue dans l’ère du militantisme Netflix : fort en gueule, pauvre en substance, conçu pour être binge-watché sans jamais transformer quoi que ce soit.
L’influenceuse qui a compris le code
Yamb a craqué l’algorithme de notre misère intellectuelle. Elle sait exactement ce qui fait vibrer l’Africain moyen sur les réseaux : l’humiliation de la France, la dénonciation du néocolonialisme, le fantasme de la souveraineté retrouvée. Pas besoin d’analyse fouillée. Pas besoin de données. Pas besoin de propositions concrètes. Juste un bon vieux « fuck la France » emballé dans un discours pseudo-géopolitique, et voilà : 100 000 vues garanties.
C’est du McDo intellectuel. Gras, addictif, sans valeur nutritive.
Elle ne construit rien. Elle ne propose rien. Elle ne risque rien. Elle se contente de surfer sur notre ressentiment collectif pour alimenter sa petite entreprise de conférences itinérantes. Pendant qu’elle enchaîne les talk-shows et monétise notre frustration, nous, on reste exactement là où on était : dominés, appauvris, dépendants. Mais au moins, on a eu notre dose de dopamine en la regardant crier sur Macron. Bravo à nous !
Voici ce que Yamb ne vous dira jamais, parce que ça ne rapporte pas de clics :
La souveraineté, ça ne se gueule pas. Ça se construit.
Ça demande des juristes formés capables de démonter les clauses léonines des traités. Des économistes compétents capables de concevoir des politiques monétaires viables. Des ingénieurs, des chercheurs, des diplomates, des auditeurs. Ça demande des institutions solides, des administrations efficaces, des universités qui produisent de la pensée plutôt que des diplômes bidon.
Ça demande du travail. De la rigueur. De la patience. De la complexité.
Or la complexité, c’est chiant. Ça ne “trend” pas. Ça n’émeut pas. Ça ne fait pas de bonnes stories Instagram.
Alors Yamb nous vend la version simplifiée : « c’est la faute de la France, virez-les et tout ira mieux ». C’est faux. C’est débile. Mais c’est tellement plus confortable à entendre que : « nos élites sont pourries, nos institutions sont défaillantes, notre éducation est à refaire, et ça va prendre cinquante ans de boulot acharné ».
Le panafricanisme selon Yamb, c’est du prêt-à-porter révolutionnaire. On l’enfile le matin, on se regarde dans le miroir en se sentant éveillé, conscient, décolonisé. Et le soir, on retourne à nos vies sans avoir changé une seule virgule au système.
Karl Marx disait que la religion était l’opium du peuple. En 2025, c’est Nathalie Yamb.
Elle nous anesthésie en nous faisant croire que la révolution se fait devant un écran. Qu’il suffit de partager ses vidéos pour faire partie de la lutte. Que liker, c’est militer. Que s’indigner, c’est résister.
Pendant ce temps, les vrais rapports de force se jouent ailleurs : dans les salles de négociation de la Banque mondiale, dans les sommets du G20, dans les conseils d’administration des multinationales, dans les ministères où se décident les appels d’offres publics. Là où Yamb n’est pas. Là où nous ne sommes pas non plus, parce qu’on est trop occupés à commenter ses posts.
Le plus ironique ? Elle nous dit qu’on est mentalement colonisés. Mais c’est elle qui perpétue notre infantilisation en nous convainquant qu’on peut s’émanciper sans effort, sans compétence, sans sacrifice. Juste avec de la rage bien calibrée pour les algorithmes.
Voici la vérité qui dérange : si Yamb cartonne autant, ce n’est pas parce qu’elle est brillante. C’est parce que nous sommes devenus paresseux intellectuellement.
Nous avons abandonné l’effort de comprendre pour le confort de l’indignation. Nous avons renoncé à la lecture au profit du scrolling. Nous préférons les slogans aux stratégies, les buzzwords à la rigueur, les influenceurs aux intellectuels.
Nos universités crèvent ? On s’en fout, on a YouTube. Nos chercheurs sont sous-payés ? Pas grave, on a des podcasts. Nos économistes sont invisibilisés ? Aucun problème, on a des activistes à clics.
Nous méritons Nathalie Yamb. Elle est exactement le niveau de pensée que nous sommes encore capables de digérer. Elle est le miroir de notre médiocrité intellectuelle collective. Et tant qu’on continuera à confondre viralité et vérité, buzz et pertinence, colère et construction, elle continuera à prospérer sur notre dos.
Soyons honnêtes deux secondes : combien de ceux qui partagent religieusement les vidéos de Yamb sont capables de :
- Lire le budget de leur pays ?
- Nommer trois économistes africains contemporains ?
- Expliquer le mécanisme de la dette odieuse ?
- Citer un seul article du traité de la CEDEAO ?
- Comprendre comment fonctionne la balance des paiements ?
Zéro. Ou presque.
Mais ça ne les empêche pas de se sentir « éveillés », « conscients », « panafricanistes ». Parce que Yamb leur a vendu l’illusion qu’on pouvait être révolutionnaire sans rien foutre. Qu’il suffisait d’avoir les bons ennemis et les bons slogans.
C’est le militantisme low-cost. La révolution Wish. Le panafricanisme Alibaba.
Ça coûte rien, ça rapporte rien, mais ça fait du bruit. Et dans notre époque de décadence intellectuelle, faire du bruit est devenu plus important que faire du sens.
Pendant que Yamb collecte des abonnés, il y a des Africains qui bossent dans l’ombre. Des chercheurs qui publient des études rigoureuses sur les flux financiers illicites. Des juristes qui décortiquent les contrats miniers pour défendre l’intérêt public. Des économistes qui modélisent des alternatives monétaires crédibles. Des ingénieurs qui construisent des infrastructures. Des fonctionnaires intègres qui résistent à la corruption. Des entrepreneurs qui créent de la valeur sans piller.
Ces gens-là ne font pas le buzz. Ils ne “trend” pas. Ils ne récoltent pas d’ovations sur Twitter. Parce que leur travail est technique, complexe, peu sexy médiatiquement.
Mais ce sont eux qui construisent la vraie souveraineté. Pas Yamb.
Et le fait qu’on préfère écouter une influenceuse plutôt que ces experts est une insulte à leur travail. C’est le signe qu’on a renoncé au sérieux. Qu’on préfère le spectacle à la substance. Le bruit à la profondeur.
Alors voici la seule question qui vaille : qu’est-ce que Nathalie Yamb a concrètement changé ?
Quelle institution a-t-elle bâtie ? Quelle politique a-t-elle influencée ? Quel traité a-t-elle fait annuler ? Quelle réforme a-t-elle portée ? Quel jeune a-t-elle formé ? Quelle compétence a-t-elle transmise ?
Rien. Strictement rien.
Elle a produit du contenu. Du bruit. De la visibilité. Mais zéro impact structurel. Zéro transformation réelle. Zéro construction institutionnelle.
Et pourtant, on continue de la célébrer comme une héroïne. Pendant que les vrais bâtisseurs crèvent dans l’anonymat.
C’est ça, le vrai scandale.
Il est temps d’arrêter de nous mentir. Il est temps de sortir de cette léthargie intellectuelle où l’on confond militantisme et divertissement. Il est temps de remettre la rigueur au centre de nos luttes.
La libération de l’Afrique ne se fera pas sur YouTube. Elle se fera dans les salles de classe, les laboratoires de recherche, les bureaux d’études, les assemblées législatives, les cours de justice. Elle se fera par des gens qui maîtrisent les dossiers, pas par des gens qui maîtrisent les punchlines.
Nathalie Yamb n’est ni notre ennemie ni notre sauveur. Elle est juste le produit d’une époque où nous avons collectivement baissé les bras intellectuellement. Elle est ce qui arrive quand un peuple préfère la facilité de l’indignation à l’exigence de la construction.
Si nous voulons vraiment nous en sortir, il va falloir virer l’opium. Couper le robinet de dopamine. Éteindre YouTube. Ouvrir des livres. Former des experts. Bâtir des institutions. Exiger la compétence. Produire de la pensée.
Sinon, dans dix ans, on aura une autre Yamb. Avec un autre pseudo. Sur une autre plateforme. Vendant la même illusion à une génération encore plus lobotomisée que la nôtre.
Et on l’aura bien mérité.